Shodô
Shodô, la voie de l'écriture
de Marie
Échanger ses armes contre un pinceau et continuer à couper...
        Le Shodô apparaît dans le prolongement du Jôdô et sabre la feuille de riz d’empreintes fluides, verticales, obliques, horizontales, incurvées, tracées à main levée, sans hésitation ni retouche, avec l'accompagnement du corps, dans un souffle.

        Au final, surgissent les idéogrammes et les Kana de la langue japonaise que la Voie de l'écriture cherche à exprimer visuellement sous leurs formes sensibles, vivantes, connectées au sens. Il s'agit là d'un long chemin dont l'apprentissage peut commencer par le tracé d'un Kanji, 永遠 Ei, l'éternité, le temps qu'il faut pour apprendre la calligraphie* !

        Dans la solitude plus ou moins sereine où l'encre coule sur le papier, le calligraphe peut se sentir connecté avec tous ceux, chinois d'abord, puis japonais, qui au cours des siècles ont plongé au cœur de cette discipline exigeante et généreuse.

        La pratique du Jôdô et des armes parallèles amène à proposer aux Budoka des thèmes de travail qui feront l'objet d'apprentissages spécifiques au cours de stages ou sur des modules d'apprentissage au Dôjô. Ces thèmes, traduits en japonais, seront calligraphiés sur de longues feuilles rectangulaires, les Shomen, et présentés sur le mur d'honneur de la salle.

        Chaque composante du texte donnera lieu à des éclairages et des commentaires introduisant la pratique martiale. 
 
        Pour les trois Dôjô de la région Sud, deux Jôdôka également apprentis calligraphes ont pour mission de réaliser la plupart des calligraphies de thèmes de stages dirigés par les enseignants de notre région. Ils pilotent aussi une initiation au Shodô à l'occasion d'un stage annuel à l'île Sainte Marguerite, en face de Cannes, en partenariat avec Maria Rosa Valluzzi, calligraphe italienne expérimentée. 

        Chaque année, l'équipe cherche à renouveler ses propositions pour qu'elles éclairent le nouveau thème du stage des îles choisi, fil conducteur des différentes disciplines programmées.

Kihon Kara Sei Chô "Tout se développe à partir des bases". Stage de Rémilly - Septembre 2018
Initiation au Shodô de Rémilly - Septembre 2018
Des séries de Jôdô et des styles de Shodô...
        La pratique du Jôdô s'explore à travers sept séries de Kata qui ont chacune des caractérisques spécifiques et la calligraphie japonaise possède différents styles d'écriture que l'on peut faire correspondre à chacune d'entre elles.


        1ère série, Omoté (12 Kata) : le Jôdôka est confronté à ses premiers combats sous forme de Kata. Il doit trouver ses repères et pouvoir identifier clairement les différentes attaques du sabre. Il a besoin de temps pour mettre en situation les formes de base qu'il vient de découvrir. 

Cette série correspond au style Kaisho, chaque tracé se distingue aisément du suivant et pourrait faire penser à notre écriture scripte.


        2ème série, Chûdan (12 Kata) : le Jôdôka a pris de l'assurance et on va lui demander maintenant de lier ses mouvements, tout en continuant à vivre les Kata en phase avec les attaques de son partenaire.

C'est le style Gyôsho, que l'on associe à cette série. Les tracés sont maintenant liés les uns aux autres et lorsque qu'un blanc apparaît, c'est à travers une liaison aérienne que le pinceau rejoint la feuille pour enchaîner avec le trait suivant. En Europe, ce sont les principes de l'écriture cursive qui font écho à ce style.

      
        3ème série, Ranai : le Jôdôka est préparé à passer à la vitesse supérieure avec cette série dont le nom se traduit par « l'harmonie dans le désordre ». Elle comporte uniquement deux très longs Kata. Rythme très soutenu, mouvements liés, grande présence pour répondre à la pression de l'attaquant. Nécessité de précision, de connexion, de réactivité. 
En Shodô, on fait correspondre le style Sôsho à cette série. Son tracé très fluide et lié s'éloigne des idéogrammes d'origine. Souvent, on ne les reconnaît plus. Il s'apparente dans notre civilisation, à une écriture cursive très personnelle et spontanée, « qui vient des tripes ».


        4ème série, Kage : Kage se traduit par « l'ombre », on rentre dans un approfondissement de la discipline à travers 12 Kata où alternent des rythmes différents soutenus par une très grande intensité entre les partenaires. L'intériorité du pratiquant s'exprime avec une présence puissante dont l'empreinte vit encore une fois le Kata fini.
 
Le style qui reflète le mieux Kage se nomme Reisho. Il est très surprenant. D'un pinceau en broussaille vont s'extraire des idéogrammes où se juxtaposent des tracés sombres et d'autres éclairés de reflets à l'image de vagues sous la clarté lunaire. Ce style où les poils du pinceau se séparent délicatement pour s'unir à nouveau en générant des clairs obscurs peut intimement se lier à la série Kage. 


        5ème série, Samidare (6 Kata) : Samidare est une série aux coupes et coups sobres, fulgurants, très combatifs et dangereux même à travers une pratique sous forme de Kata.
Pascal Krieger, maître de Shintô Musô Ryû Jô, écrit que le Shûgyôsha vit à travers elle l'expérience de « la vérité dans l'action ».

Nous reprendrons le style Sôsho pour épouser les caractéristiques de cette série. Les idéogrammes doivent être profondément intégrés pour que le calligraphe puisse en exprimer spontanément l'essence, avec précision, disponibilité et sincérité. 
 

        6ème série, Gohon No Midare (5 Kata) : elle est considérée comme « un test de haut niveau » pour le pratiquant. Efficace et redoutable, le Jô va acculer le Ken à travers des actions où se mélangent des passages de Kata issus de séries précédentes. Créée vers 1939 par Maître Shimizu, Gohon No Midare concentre près de 350 ans d'expérience.
 
A nouveau, on traduira cette série par le style Sôsho calligraphié cette fois-ci sur grand format. Par son dépouillement fluide et la disponibilité de tracé qu'il requiert, il incite le calligraphe à une expression maîtrisée de toutes ses capacités révélées avec « lâcher prise ». En effet, il lui faudra conserver son élan pour écrire son texte jusqu'au bout, sans retremper son pinceau et en utilisant pleinement l'espace de la feuille.


        7ème série, Okuden (12 Kata) : Oku / intérieur, profondeur, et den/ transmettre, communiquer. Cette dernière série de l'école Shintô Musô Ryû aux techniques sobres et dépouillées, souvent issues des premières bases de la discipline, apparaît comme un retour à la source de l'art du bâton, à son origine, empli d'une connaissance intime de la discipline et de ses valeurs pouvant être transmises à d'autres. 

Nous dédierons le style Tensho à cette série. Il est à l'origine de l'écriture chinoise que les japonais se sont appropriée. Ses premières manifestations remontent au 9ème siècle avant Jésus-Christ avec des gravures sur des carapaces de tortues. Il s'est transformé au fil du temps en un style sigillaire utilisé pour graver les sceaux qui correspondent à nos signatures personnelles. Ils sont, paraît-il, impossible à contrefaire.
Expo d'Albi avec Maître Saito - Septembre 2016
Exposition d'Albi avec Pascal Krieger Septembre 2016
Apprendre le Shodô...
        La FEJ ** accueille de nombreux pratiquants de Shodô. Pascal Krieger, Menkyo Kaiden*** de Jôdô et Maître de Shodô a reçu l'Ordre du Soleil Levant, décoration transmise par l'empereur du Japon pour sa mise en valeur de la culture japonaise en Europe. 
 
        La générosité de ses démonstrations de calligraphie, la beauté sereine de cet art en mouvement ont incité moultes Budôka à se lancer dans l'aventure. 
 
        Pascal donne des cours à Genève et propose un stage annuel, parfois des expositions. Pour ses élèves à l'étranger, c'est par correspondance qu'il enseigne. Ses thèmes sont des œuvres d'art en différents styles. Leurs supports, des phrases philosophiques, instructives, littéraires, des Haïku.
Tori Naku - Au 1er rang, 3ème à partir de la droite, Maria Rosa Valluzzi - Mai 2016
    * Commentaire de Pascal Krieger à côté d'un des premiers exercices qu'il nous a envoyés, le Kanji « éternité ». 
 
  ** Fédération Européenne de Jôdô 
 
*** Le Menkyo Kaiden est le plus haut niveau dans l'autorisation d'enseigner la technique et l'esprit d'un art martial japonais classique, remise par le maître d'une école, à son ou ses élèves les plus proches et avancés.
Atelier Shodô de Rémilly - Septembre 2018
Initiation Shodô de Rémilly - Septembre 2018
Soirée d'initiation au Shodô avec une participation exceptionnelle, celle de notre Maître, Pascal Krieger, au fond sous la 4ème calligraphie à partir de la droite - Mai 2018