Textes
Nishioka Tsuneo Sensei
        Note Liminaire et Avertissement concernant la Rubrique « Expressions Personnelles » 
 
La présente rubrique « Expressions Personnelles » regroupe différentes contributions personnelles, qui proviennent de membres de Gi-Yō-Shin Dōjō. 
Afin d’éviter tout risque d’amalgame, cette rubrique spécifique est volontairement présentée à part des textes « de fond » traitant de nos disciplines martiales (Nishioka Tsuneo Sensei, Pascal Krieger Sensei), ainsi que de toutes les autres rubriques « collectives » présentes sur notre site de Gi-Yō-Shin Dōjō.
Il s’agit bien ici d’une sorte de « Tribune libre », permettant à un membre de Gi-Yō-Shin Dōjō de
« partager » sur un sujet particulier qui lui tient à coeur, en lien avec nos disciplines.  
Ce partage-plaisir pourra alors prendre toutes sortes de formes écrites, essai, réflexion, retour d’expérience personnelle, poème, haiku, dessin humoristique, etc.  
Chaque contribution personnelle n’engage ainsi que son auteur.

Uchidachi et Shidachi
Pascal Krieger Sensei
de Nishioka Tsuneo Sensei
Uchidachi, “le sabre qui attaque”
Shidachi, “le sabre qui exécute”
Uchidachi et le concept du "Souffleur"



























        Le texte qui suit est la traduction d’un chapitre du livre de Nishioka Tsuneo « Budo-teki na Mono no Kangaekata : Shu, Ha, Ri » (Le mode de pensée du Budo : Shu, Ha, Ri). Les traductions littérales sont souvent problématiques du fait de l’ambiguïté inhérente au style traditionnel d’écriture d’un essai en japonais. Aux fins de clarifier la pensée de l’auteur et de présenter de la meilleure façon sa pensée en français, nous avons intégré le texte original avec une série de conversations personnelles (1). Le résultat a donc intentionnellement la saveur d’un enseignement transmis de maître à disciple.

        Nous vous prions de noter que dans cet essai les suffixes “do” (la voie) et “jutsu” (l’habileté ou la technique) sont utilisés dans leur sens japonais : ce qui veut dire sans faire une distinction précise entre les deux. L’auteur postule qu’ils ne sont pas deux entités distinctes, mais les différents aspects d’un tout. C’est à ce tout qu’il se réfère, à la fois comme budo et comme bujutsu. Par moments, l’auteur utilise la terminologie propre aux arts classiques, à d’autres moments celle relative au budo moderne. Ses commentaires entendent couvrir les deux ensembles.

        Le texte débute par une référence au concept japonais de rei. Ce mot présente des difficultés particulières pour sa traduction. Quand bien même rei puisse être traduit par : étiquette, décorum, propriété, gentillesse ou courtoisie, aucun de ces termes n’est véritablement l’équivalent du japonais. De ce fait, nous ne proposerons aucun équivalent français dans cette traduction. Pensez-y comme l’essence propre, ou la qualité, des relations entre deux individus. 

Diane Skoss 
Tiki Shewan Sensei
Jean-Claude, mai 2025
Uchidachi 1… un cours matinal de Iaidō ou de Kenjutsu, ou bien ?
Vicente Borondo Sensei
Dans notre pratique du Iaidō, existe-t-il un Uchidachi ? Où donc se trouverait-il ?

Shidachi et Uchidachi constituent de fait un couple indissociable. En effet, Shidachi est un rôle spécifique qui ne peut exister seul. Shidachi ne se définit et ne prend du sens que par rapport au rôle distinct mais complémentaire de Uchidachi.
 
En Kenjutsu, les choses sont claires, le couple Shidachi-Uchidachi est basiquement représenté et mis à profit.

A la différence, en Iaidō, l’on pratique généralement « seul » la majorité du temps, accompagné de son Iaitō. Le pratiquant de Iaidō, comme ses éventuels voisins dans le Dōjō, étudient et exécutent des mouvements pré-arrangés de telle ou telle école de Iai. Ils réalisent des techniques et donc ils tiennent de fait le rôle spécifique de Shidachi.
Gilles Tache Sensei
Loris Petris
Expressions personnelles
En déduction, Uchidachi, qui est ce partenaire qui reçoit la technique de Shidachi, dans le cadre de la pratique d’un Kata de Iaidō est… purement virtuel ! Shidachi imagine (ou non !) la présence plus ou moins réaliste en face de lui d’un Uchidachi. C’est également le cas dans les Kihon Tandoku en , différentes formes en Tai Chi Chuan, et par extrapolation dans toute discipline martiale pratiquée en solo.
        Le coeur du bujutsu est rei. La responsabilité d’un enseignant est de le transmettre aux élèves. Si cette transmission échouait, les élèves pourraient développer des attitudes incorrectes et le vrai sens de l’entraînement serait perdu. Malheureusement aujourd’hui, dans le budo japonais, il y a abus général de pouvoir. À mon avis, peu d’enseignants transmettent correctement les principes du budo. Le rei dans le budo est devenu trop artificiel, semblable à la hiérarchie militaire japonaise vieux style. Le vrai sens du rei ne se manifeste plus. Il semblerait que seuls les plus mauvais côtés de la tradition et de la culture japonaise soient conservés, et il faut réfléchir sur les moyens à mettre en œuvre pour changer cette situation.
Uchidachi 2 - Calligraphie en style Gyōsho de Marie Ponsot 2
Dans toutes ces pratiques solitaires, Uchidachi n’est donc qu’une création mentale de Shidachi, un personnage virtuel, imaginaire, issue de son cerveau. La consistance, la précision, la qualité des images mentales visualisées seront déterminantes. En effet, elles vont influer directement et spontanément sur la qualité de la Vie exprimée dans le Kata et la crédibilité des mouvements exécutés.
        Le bujutsu conduit au rei. Idéalement, c’est par son exemple que l’instructeur conduit les élèves vers quelque chose censée les élever. Rei est une expression d’humilité en rapport avec cette existence supérieure. Mais certains, à peine après avoir développé leur habilité et obtenu de hauts grades, se défont de ce qu’ils auraient dû apprendre sur rei. Ceux qui ne veillent pas à élever leur esprit aussi diligemment qu’ils travaillent à améliorer leur technique oublient facilement l’humilité inhérente du vrai rei. Ils sont enclins à devenir trop sûrs d’eux, orgueilleux et paternalistes. Le développement spirituel et le développement technique sont deux choses totalement différentes et il n’existe pas forcément de lien entre elles.
Uchidachi est donc encore et toujours essentiel… même lorsqu’il n’est que virtuel !
Interprétation personnelle du thème Uchidachi 1
Dans les temps anciens, les pratiques Jutsu du Jō de Shintō Musō Ryū, devaient être nourries par des confrontations guerrières, et se prêtaient de fait à des « duels » entre adversaires, risqués et parfois mortels. Il s’agissait de survivre et personne ne jouait de « rôle ».  
 
Dans une vision , le Jō de Shintō Musō Ryū s’est transmuté en un « dialogue » formateur et équilibré entre partenaires - le dialogue n’existe d’ailleurs que parce que le désaccord existe ! 
 
La présence d’un tandem Shidachi (celui qui réalise la technique) et Uchidachi (celui qui reçoit la technique) existe dans plusieurs Budō
C’est néanmoins dans la vision spécifique Sei Ryū Kai de Shintō Musō Ryū Jō que ce tandem Shidachi / Uchidachi prend toute sa saveur et dévoile ses richesses. M° Nishioka accordait une place essentielle et structurante dans l’apprentissage du Jō à la compréhension et à la pratique régulière de ces deux rôles distincts mais complémentaires, qui forment un ensemble cohérent et vivant. Dans notre filiation directe de Shintō Musō Ryū Jō, c’est une composante essentielle de notre héritage. 
Dans la pratique des Kata de SMR Jō, chacun interprète un rôle défini, soit le rôle de Shidachi, soit le rôle de Uchidachi. Chacun de ces deux rôles correspond à une disposition d’esprit particulière, et comporte des exigences et des objectifs propres. 
Dans la progression de Shintō Musō Ryū Jō, un pratiquant débutera toujours en tenant le rôle de Shidachi. C’est dans un second temps de l’apprentissage, qu’un Shidachi motivé et plus expérimenté pourra alors interpréter le rôle d’Uchidachi
 
Les attentes classiques mais essentielles visant à investir pleinement le rôle de Uchidachi sont multiples et exigeantes, une connaissance technique des deux « partitions » de Shidachi et de Uchidachi basée sur une expérience solide, une disposition d’esprit de partage sincère et de respect mutuel, une fonction provisoire d’enseignant porté par un désir d’éclairer plutôt que de briller, une volontaire mise au service de Shidachi, des échanges généreux mais sans aucune complaisance, une sincérité convaincante, et par définition recevoir et absorber. 
 
Quelques axes complémentaires de réflexion sont proposés ici à l’exploration personnelle, pour chacun des deux rôles.
        La pratique du jojutsu, par exemple, possède cette sublime qualité de permettre le développement parallèle de ces deux aspects : le développement spirituel apporte le développement de la technique et vice-versa. Ce développement n’est pas simplement une affaire de technique. Toutefois, si les techniques physiques sont enseignées de façon incorrecte ou superficielle, les élèves en retireront une certaine confusion. L’incompréhension sera encore plus grande si l’attention est confinée au seul perfectionnement de la technique. Nous ne devons jamais perdre de vue que l’objectif est de « corriger et d’améliorer l’esprit ». L’unique façon d’y parvenir est d’étudier sous la direction d’un Maître (2).
        En général, les personnes comprennent mal ce qu’est un Maître. Elles peuvent se fourvoyer en retenant l’idée qu’un Maître équivaut à un instructeur ou à un pratiquant plus ancien. Malheureusement, bien souvent, l’ego d’un pratiquant augmente proportionnellement à son habileté technique. Trop souvent, les jeunes gens, qui disposent d’un grade élevé et qui ont reçu une licence ou un certificat, croient posséder la qualification nécessaire pour enseigner simplement parce qu’ils sont titulaires d’un diplôme d’instructeur, qu’ils dirigent un dojo et ont des élèves. C’est une grave erreur de croire que quelqu’un est un Maître sous prétexte qu’il possède un grade élevé ou un certificat.
        Une fois, mon enseignant, Shimizu Takaji Sensei (1896-1978), m’a dit de ne pas copier le jo pratiqué par son compagnon d’étude plus jeune Otofuji Ichizo Sensei. À moins que l’on ne réfléchisse attentivement sur ce que Shimizu Sensei entendait par là, cette déclaration pourrait être facilement mal comprise. Il savait qu’il y avait des différences entre sa façon d’utiliser le jo et le tachi et celle d’Otofuji Sensei. Il est même tout à fait naturel qu’il y ait des différences de formes dans la pratique du kata bujutsu (3). Tout simplement parce que les personnes ont des niveaux différents de compréhension de la technique et des mentalités différentes. Ceci les conduit à exécuter les mouvements d’une façon légèrement différente et elles transmettent ces caractéristiques personnelles dans leur enseignement. Shimizu Sensei craignait que les pratiquants plus jeunes relèvent ces différences, s’embrouillent ou se méfient et pensent finalement qu’une façon ou l’autre soit fausse. Il semblait préoccupé par les inévitables erreurs du pratiquant qui ne pouvait ou ne voulait pas suivre un enseignant unique. Il me recommanda donc de suivre un enseignant unique le plus longtemps possible et d’éviter de me compliquer la vie inutilement en regardant les autres enseignants aux alentours.
. Concernant le rôle d’Uchidachi, deux axes originaux d’expérimentation sont proposés.
1- Le concept du « Souffleur ».
        Avoir plus d’un enseignant peut créer de sérieux problèmes dans la pratique. D’autre part, insister sur le fait que les élèves suivent aveuglément « un seul et unique » enseignant peut générer des clans et empêcher les élèves de différents enseignants de pratiquer ensemble. Cette situation déplaisante se produit encore actuellement dans le monde des arts martiaux japonais. L’unique solution est d’attendre le développement spirituel, à la fois de l’enseignant et de l’élève ; après quoi les élèves pourront pratiquer sous la direction d’un enseignant unique et, dans tous les cas, continuer à bénéficier du brassage avec les élèves d’autres groupes.
          Dans notre pratique du Jō, le « Souffleur », par une très légère modification de son attitude, par un tout début d’activité, de mouvement (déplacement, attaque, parade, etc.) « souffle » en quelque sorte à son partenaire la suite du mouvement que celui-ci doit réaliser. 
 
Trois analogies sous-jacentes éclairent à mon avis le concept du « Souffleur ». Chacune véhicule des images mentales explicites et révèle des sens particuliers et complémentaires. 
 
         . Celui qui « Souffle » la suite du texte – en référence à la personne du « Souffleur » qui existait
          dans le théâtre ancien et qui soufflait les premiers mots à venir du rôle pré-écrit d’un acteur de
          théâtre. 
         
          . Celui qui « Souffle » sur des braises, qui les attise, pour en faire naître et jaillir la première
            flamme et le feu. 
 
          . Celui qui libère le « Souffle » vital (Ki), qui le débloque – cet élan qui relie et énergise tout le
            vivant.
 
En complément et pour l’exprimer autrement, c’est aussi le « facilitateur », « l’incitateur », le « déclencheur », celui qui impulse, qui suscite, qui induit, qui amorce le mouvement suivant de son partenaire, qui initie le souffle vital, la respiration commune, le courant de vie qui va relier et peut-être « enflammer » le mouvement commun des deux partenaires.
        Ceci est la raison pour laquelle une compréhension du rei est aussi importante dans le processus d’évolution spirituelle du bujutsu. Une des expressions les plus profondes du rei se trouve dans le rapport entre uchidachi, celui qui reçoit la technique, et shidachi, celui qui exécute la technique.
        Malheureusement, les enseignants eux-mêmes ne comprennent pas les subtilités attachées à uchidachi et à shidachi dans la pratique des kata. Ils ne parviennent pas à transmettre à leurs élèves la diversité des buts inhérents à ces deux rôles. Dans les traditions classiques, les rôles d’uchidachi et de shidachi sont particulièrement bien caractérisés. Chacun des deux a son propre point de vue psychologique. Il est essentiel que cette distinction soit toujours maintenue. Je crois que la différence entre ces deux rôles est la caractéristique distinctive de la pratique des kata. J’ai réalisé récemment qu’il était tout à fait inutile de pratiquer si les deux pratiquants ne comprenaient pas correctement cette particularité.
Le « Souffleur » initie le passage et la transition de Sei (le calme, l’immobilité) à (l’action, le mouvement).

L’utilisation du concept du « Souffleur » semble particulièrement bien adaptée pour améliorer toutes les situations, tous les instantanés, où les deux partenaires se retrouvent face à face en chiens de faïence, comme « figés », à tous ces « arrêts » volontaires ou non, où la vie propre du Kata semble s’échapper.
Le concept du « Souffleur » met de l’huile dans le Kata

En éliminant les enchaînements hachés qui offrent parfois une vision stroboscopique du Kata, le concept du « Souffleur » amène de la fluidité dans les mouvements.
        Pour qui observe un kata de l’extérieur, il semble que uchidachi perde et que shidachi vainc. Ceci est volontaire. Mais il y a beaucoup plus que cela. Uchidachi doit avoir l’état d’esprit d’un père attentionné et prévenant. Uchidachi guide shidachi en lui portant une attaque sincère ; ceci permet à ce dernier d’apprendre le déplacement correct du corps, la distance de combat, l’état d’esprit approprié et la perception de l’opportunité. Une attitude humble est aussi nécessaire à uchidachi qu’une technique correcte. La fourberie, l’arrogance, une attitude paternaliste ne devraient jamais être de mise durant la pratique. La mission d’uchidachi est vitale. Dans le passé, ce rôle était exclusivement dévolu aux pratiquants experts capables d’exécuter des techniques soignées et possédant le juste esprit et la juste compréhension de leur rôle. Uchidachi doit tracer des directions de coupe claires et précises, atteindre les cibles, soutenir une concentration et une attention sans faille et afficher un air d’autorité.
        Si uchidachi est le géniteur ou l’enseignant, shidachi est le fils, ou le disciple. Le but est d’acquérir l’habileté manifestée dans la technique d’uchidachi. Malheureusement, les élèves agissent souvent comme s’ils voulaient tester ou démontrer leur propre habileté contre celle des uchidachi de grades supérieurs. Ils considèrent que cette compétition constitue leur pratique. En réalité, cet état d’esprit n’apporte ni une meilleure technique, ni une élévation spirituelle, puisque la relation correcte entre uchidachi et shidachi a été occultée. C’est la répétition des techniques dans la relation correcte entre père/fils ou expert/débutant qui permettra le développement de l’esprit au travers de la pratique de la technique.
SASAYAKU 3 - souffler, chuchoter, susurrer
Calligraphie originale en style Kaisho de Pascal Krieger Sensei
3

Il créé ainsi les conditions d’une continuité et d’une fluidité dans et entre les partitions de chacun des deux partenaires, dans un rythme Sei-to-Dō qui s’anime. 
Il rend plus vivant et plus crédible le Kata
 
Quels sont les avantages de recourir au concept du « Souffleur » dans Shintō Musō Ryū Jō, et notamment dans l’enseignement du Jō ? 
 
Les bénéfices concernent les deux rôles de Uchidachi et Shidachi
 
          C’est généralement au pratiquant qui tient le rôle de Uchidachi de choisir d’utiliser le concept du « Souffleur » et de comment il désire s’en servir. Il en sera alors de fait l’acteur déclencheur. Il sera le « Souffleur ». 
 
          Uchidachi facilite, impulse, amorce le mouvement à venir de Shidachi. Le petit signe amorcé par Uchidachi – plus ou moins marqué – et exprimé avec une intention claire, favorise l’élucidation de la réponse (dialogue) que doit apporter Shidachi dans le cadre pré-arrangé du Kata.
Uchidachi en « Souffleur » clair et bienveillant agit en facilitateur pour Shidachi.  

Uchidachi peut en tirer profit dans sa recherche primordiale d’aider et de faire grandir Shidachi. Cette attitude bienveillante du « Souffleur » qui initie un geste éclairant, un appel, peut d’ailleurs s’appliquer avec une pédagogie très progressive, s’adapter en déplaçant un curseur lié à l’évolution et la disponibilité de Shidachi
 
           Les premières étapes d’apprentissage pour un Shidachi, à mon sens, sont tournées au principal vers la recherche et la prise de confiance en soi, dans ses capacités, dans ses techniques, dans son Jō. C’est la réussite à l’exercice proposé qui va donner confiance en soi, et par répercussion c’est cette confiance en soi qui va libérer Shidachi dans ses actions ultérieures. 
 
              Un exemple typique dans notre Ryū de ce travail de construction d’une prise de confiance progressive de Shidachi
               
est ce  mouvement répété maintes fois – lors du Osame, à chaque fin de Kata – lorsque le pratiquant porteur du Jō
               « avance » sur Uchidachi porteur du sabre… dans le recul initié, « soufflé » par ce dernier. Cette scène à deux rôles,
               très formelle dans son agencement, peut à volonté se décliner de façon de plus en plus subtile, en accord avec le
               niveau de perception de Shidachi. Créer, « souffler » une ouverture est ici le seul fait de l’attitude de Uchidachi, de
               façon plus ou moins marquée et plus ou moins intentionnée. A ce sujet, M° Nishioka précisait que c’était par sa seule
               attitude (Hodoku) et sans aucun geste parasite, que Uchidachi devrait pouvoir exprimer une ouverture vers Shidachi

 
           Pour des pratiquants avancés ou si une version plus « risquée » du Kata est recherchée, mais toujours dans un objectif de construire avec bienveillance un dialogue formateur, une approche très différente et disruptive est de proposer maintenant de l’ambiguïté, de l’incertitude, du doute (tous éléments présents dans la vie quotidienne !). Cette approche ultérieure est aussi instructive et nécessaire pour compléter la première. Ici, à mon avis, un outil efficace pour Uchidachi est le silence – en lien avec le lâcher-prise et Mushin – qui contient tous les possibles, toutes les naissances à venir.  
 
A ce stade, lorsque Uchidachi décide de ne plus rien du tout « souffler », Shidachi va devoir s’adapter.
Il va affiner ses perceptions et ainsi améliorer la finesse de décodage des attaques… et ses chances de survie.  
 
Au fil des différents dialogues entièrement « silencieux », Shidachi va être amené à développer une nouvelle capacité essentielle en Budō, une compréhension intuitive de l’intention de l’adversaire. 
 
En conclusion et en résumé quant à l’utilisation pédagogique du concept du « Souffleur » dans notre Ryū, voici la vision formulée par Pascal Krieger Sensei : « Avec un débutant, Uchidachi va « souffler » la suite du Kata d’une façon généreuse et évidente, puis sur un mode de plus en plus fin et discret, jusqu’à un stade où il ne « souffle » plus rien… à Shidachi de réagir comme il doit le faire ». 
 
           Autre intérêt dans l’emploi du concept du « Souffleur », cela va servir cette quête permanente en Budō qu’est la recherche et la mise en évidence des connexions entre la vision et la vision Jutsu des Kata.
  
Recourir au concept du « Souffleur » rend plus vivant et plus « risqué » le rôle de Uchidachi. En l’obligeant à l’implication, il va déjà évacuer un certain ennui que l’on remarque parfois chez des pratiquants tenant ce rôle avec un sabre « désinvesti ». 
Parfois d’ailleurs, grâce à une implication plus « risquée » voire même « enflammée » des partenaires, l’on peut approcher un début d’interprétation Jutsu d’une partie de Kata
Uchidachi se doit alors de redoubler d’attention, car sa gestuelle de « Souffleur » va de fait l’impliquer plus profondément dans l’action que d’habitude, et en retour il va devoir recevoir et absorber une riposte dans une position souvent inconfortable et parfois même dangereuse. 
 
Il me semble que ce geste d’appel, ce début de mouvement « soufflé » dans le cadre d’une pratique bienveillante (), s’il était réalisé dans sa complétude martiale, ne serait rien d’autre in fine qu’un geste d’attaque réelle (Jutsu) visant une efficience combattive. 
 
En commun aux deux visions et Jutsu, le premier geste léger du « Souffleur », plus ou moins marqué au gré de Uchidachi, contient en amont l’intention de l’attaquant et le tout début de la gestuelle d’agression. Ainsi, en portant une attention soutenue à cet espace-temps crucial du passage à l’acte, Shidachi va se familiariser avec ces basculements critiques, ces changements décisifs de rythme. 
 
En travaillant systématiquement sur le décodage subtil d’un début de geste du partenaire, afin d’y répondre, d’y riposter dans un temps juste, et en multipliant ces situations, le pratiquant capitalise sur un mode opératoire qui est commun aux recherches et Jutsu. En saisissant la naissance d’un danger, très en amont, cela ouvre l’opportunité d’une riposte instantanée qui pourrait annihiler une attaque dès sa conception. En adhérant en continu à la situation, en collant au plus près à l’intention du partenaire, Shidachi appréhende et affine l’instant opportun pour intervenir au plus en amont – en interprétant un rythme Sen no Sen
 
Uchidachi va amener progressivement Shidachi à se libérer de ce qu’il voit et de ce qu’il entend… En réduisant petit à petit tout signal, tout appel, jusqu’à leur suppression, Uchidachi construit et renforce la confiance de Shidachi dans son intuition, dans son instinct de « chasseur ». L’ambition visée ici est que, confronté à un danger imminent et sans rien voir ni entendre, Shidachi ressentira quelque chose dans sa chair, dans son environnement, et réagira instantanément et viscéralement. Dans la pratique et l’affinage de ces capacités de disponibilité et d’intuition, le rejoint le Jutsu
 
            En dernier bénéfice précieux, commun à la fois à Uchidachi « Souffleur » et à Shidachi, l’expérience répétée au fil de ces dialogues d’une écoute exigeante favorise et amène au « décentrement » – une disposition intérieure essentielle, et en particulier pour un accès à Mushin
 
            Dans l’étude et la pratique de Shintō Musō Ryū Jō, la prise en compte du concept du « Souffleur », comme outil ou grille de lecture, peut aider à structurer une progression pédagogique, faciliter l’émergence de connexions entre les deux visions et Jutsu, participer à une meilleure compréhension de certaines techniques, de certains enchaînements. Parfois il peut agir en « révélateur ».
        Les rôles d’uchidachi comme senior et de shidachi comme junior sont toujours maintenus, quelque soit le niveau effectif d’expérience réciproque des deux pratiquants. Les kata sont pratiqués d’une façon telle qu’ils puissent apprendre ensemble aussi bien à donner qu’à recevoir. C’est ce qui rend possible l’amélioration de la technique et le développement de l’esprit. Malheureusement, dans la pratique du jo, il arrive souvent qu’on pratique les deux rôles seulement pour mémoriser les séquences des mouvements des deux armes : tachi et jo. Il existe même des instructeurs qui enseignent que l’objectif du Shinto Muso Ryu est d’apprendre à vaincre un sabre avec un bâton. Ceci est une erreur. Si elle persistait, le kata bujutsu pourrait en mourir, puisque ni la technique ni l’esprit d’uchidachi ne pourrait s’améliorer.
        De nos jours, il y a toujours moins de personnes qui savent tenir correctement le rôle d’uchidachi. Je pense que le bujutsu n’a pu évoluer vers le budo qu’en maintenant l’idée d’uchidachi et de shidachi. Cette idée est une caractéristique fondamentale du bujutsu classique. Bien que les arts japonais, comme le kenjutsu, l’iaïjutsu et le jojutsu, aient muté du « jutsu » vers le « do », les arts « dô » se dirigeront toujours dans une fausse direction si les rôles corrects ne sont pas maintenus dans la pratique. Évidemment, il existe une différence entre tenter de préserver la juste distinction entre uchidachi et shidachi sans nécessairement parvenir à la perfection, et ne faire aucun effort pour comprendre cette distinction. L’existence de cette intention ou sa qualité se manifestent dans la pratique et dans les actions quotidiennes. Ceux qui ont des yeux et l’expérience nécessaire peuvent reconnaître la différence.
        Toutefois, ce qui me préoccupe aujourd’hui est qu’il y ait toujours moins de personnes qui comprennent ce concept. Et dans le futur, il y en aura de moins en moins. Il semble qu’on ne reconnaisse plus que l’existence de uchidachi et shidachi est l’essence de la pratique du budo.
        Tout bien considéré, je suis convaincu que la chose la plus importante que j’ai apprise du Shinto Muso Ryu et de Shimizu Takaji Sensei est le rôle d’uchidachi et de shidachi dans le kata. Il n’existe aucune façon de transmettre les kata dans la tradition classique japonaise sans une juste compréhension de cet esprit de donner et de recevoir. Il n’est pas normal qu’un senior qui tient le rôle d’uchidachi maltraite, tourmente ou méprise les plus jeunes. Au contraire, son travail est de les guider et de les éduquer. En même temps, il est terrible de voir shidachi afficher une attitude substantiellement parricide et chercher à détruire son uchidachi. Je peux seulement dire qu’un tel état d’esprit ne devrait jamais exister.
        Shimizu Sensei disait toujours : « Vous devez pratiquer avec moi » (sous-entendu : directement avec son enseignant). Il tenait constamment le rôle d’uchidachi. Il ne relâchait jamais son attention, même avec les débutants. Il était toujours sérieux avec tout le monde. Il n’était jamais arrogant et ne cherchait jamais à dominer les autres. Je crois que cette attitude est l’enseignement le plus important du kata bujutsu, et la pratique de Shimizu Sensei en était l’exemple par excellence. Cet état d’esprit est difficile à cultiver, non seulement dans le jojutsu mais également dans les autres situations. Il est en totale opposition avec le pratiquant plus ancien ou l’enseignant qui étalent leur habilité en traitant les débutants avec arrogance et paternalisme. Il est trop facile de tomber dans le piège de la confrontation qui porte shidachi à entrer en compétition avec uchidachi. La direction d’un Maître est absolument essentielle pour éviter une telle situation.
        Uchidachi enseigne à Shidachi en se sacrifiant, en pratiquant comme s’il pouvait mourir à tout moment ; ce sacrifice de soi incarne l’esprit du géniteur et de l’enseignant. La pratique des kata est inutile si on ne comprend pas ça. C’est cet état d’esprit qui permet à shidachi de développer et de raffiner son propre esprit. Le kata bujutsu n’enseigne ni la victoire ni la défaite, mais plutôt comment assister autrui et l’élever à un niveau supérieur. Ceci est le budo.
        Je souhaite de tout mon cœur que tous, et en particulier ceux qui pratiquent le jojutsu, se souviennent de ce dicton : « Ne vous glorifiez pas dans la victoire, ne vous devenez pas servile dans la défaite. Sachez perdre avec dignité. ». Ceci est l’esprit que nous devons rechercher.
(1) Ont collaboré Phil Relnick, Larry Bieri, Meik Skoss, Joe Cieslik, Dave Lowry, Roger et Miho Lloyd, Dan Soares, Derek Steel et Steve Duncan. La traduction originale est de Yoko Sato ; Diane Skoss a ajouté les notes et l’introduction. 
 
(2) Nous traduisons par « Maître » l’expression anglaise « Master Teacher », qui normalement s’applique à un enseignant certifié de niveau très élevé (par ex. le soke ou un shihan du Ryu). 
 
(3) Ce terme est l’abréviation japonaise qui fait référence aux arts martiaux classiques qui utilisent le kata comme instrument didactique principal (pour un exposé complet de la méthode d’entraînement basée sur le kata, voir « Kabala in Motion » de Karl Friday [Sword & Spirit, KoryuBooks, page 151]). À la différence des kata du karaté, qui sont exécutés seul, le kata bujutsu est pratiqué en couple : un qui attaque (shidachi) et l’autre qui reçoit (uchidachi). Ils peuvent être pratiqués en utilisant les mêmes armes (par ex. : tachi contre tachi) ou des armes différentes (jo contre tachi, naginata contre kusarigama, etc.). Les arts martiaux classiques japonais tendent à se concentrer quasi exclusivement sur la pratique du kata, tandis que les budo modernes utilisent les kata seulement comme une partie d’un curriculum plus vaste.
Copyright ©1999 Nishioka Tsuneo. All rights reserved.

 This article first appeared in Sword & Spirit , Koryu Books, 1999.

 ©2000 Koryu Books. All rights reserved.
2- Le principe d'investir dans la perted’endosser le rôle du perdant, et symboliquement d’accepter de mourir.
. Un premier sens est très directement lié à la définition même de Uchidachi, celui qui reçoit (Ukeru). Il s’agit de commencer par « céder » au contact, mentalement et physiquement, d’accueillir le mouvement de Shidachi. C’est aussi un investissement qui est intéressé, car cette acceptation va permettre de rebondir avec une technique adaptée à l’attaque. 
 
. En second sens, le pratiquant qui tient le rôle d’Uchidachi, va endosser volontairement et systématiquement le rôle de celui qui perd. 
 
De plus, en tant qu’Uchidachi il va s’exposer volontairement et régulièrement au danger, en prenant des risques plus ou moins élevés en fonction de l’engagement réel avec son partenaire. Symboliquement, ce sont des confrontations à la mort, pleinement acceptées. Réitérer avec exigence ces expériences d’aller vers la mort, permet à Uchidachi de se constituer un corps et un mental mieux adaptés pour faire face au danger et peut-être à la mort, et ainsi d’acquérir une certaine forme de courage. Quel bel investissement !
. Concernant à la fois le rôle de Shidachi et celui de Uchidachi, l’axe commun proposé est d’appréhender le concept difficile de Mushin, qui imprègne et facilite chacun des deux rôles.
        . Pour Uchidachi, la présence de cette attitude intérieure de Mushin, cette capacité d’écoute sans intention – sinon l’on perd sa sensibilité – amène à une disponibilité mentale et physique. L’esprit tranquille n’est pas focalisé ou occupé par des pensées ou des émotions, et donc il peut rester ouvert à tout... et notamment à Shidachi. N’étant pas ralenti par des pensées conscientes, Uchidachi peut agir de façon spontanée et intuitive, sans que ça passe par la tête ! Les actions et réactions deviennent alors instantanées et fluides. 
Cette disponibilité et cette capacité d’écoute induites par Mushin facilitent un décodage et une compréhension instinctifs des attitudes et mouvements du partenaire () ou de l’adversaire (Jutsu). 
 
        . Pour Shidachi, l’expérimentation de Mushin confronte à l’expérience de court-circuiter le mental, et d’être ponctuellement dans une action instinctive, purement réflexe - les réflexes court-circuitant la pensée consciente. 
 
         L’exercice de référence proposé pour Mushin est Kiri Otoshi sur une attaque Shomen Uchi, dans la vision aboutie de Pascal Krieger Sensei, en analogie explicite et palpable avec le duel final dans les westerns opposant le « Bon » et le « Mauvais ». 
 
        « Dans les années 1920 le physicien danois Niels Bohr, passionné de westerns, se questionna sur le fait qu’à chaque fois, le « Mauvais » dégaine le premier, pourtant c’est toujours le « Bon » qui tire le plus vite ». 
 
Une similitude intéressante transparaît en Jō avec nos « duels » pré arrangés entre un Uchidachi qui attaque le premier et un Shidachi qui réalise Kiri Otoshi au tout dernier moment ! A mon avis, cette histoire de duel essentialise la présence de Mushin si l’on cherche un fonctionnement optimisé de Kiri Otoshi
 
« Le « Mauvais » du western (rôle de Uchidachi) utilise un circuit décisionnel classique tandis que le « Bon » (Shidachi) en répondant instinctivement au mouvement de son adversaire court-circuite son esprit rationnel, ce qui réduit considérablement le temps de réponse ». 
Face à un mental qui réfléchit et raisonne et à des affects prégnants, une solution pourrait être d’arriver à court-circuiter ses fonctionnements habituels (Shin = mental et/ou cœur) et à réagir par pur réflexe, sans réfléchir (Mushin, ça se fait !). 
Des expériences postérieures ont montré que « les individus sont plus rapides quand ils réagissent à un stimulus que lorsqu'ils initient une action » et « en moyenne, celui qui dégaine en second est de 10 % plus rapide que celui qui ouvre les hostilités ». 
 
        Pour Shidachi comme pour Uchidachi, expérimenter des actions réflexes et se familiariser avec cet état d’esprit particulier de Mushin relève du chemin de l’apprentissage du Budō. Dans un conflit mortel (Shinken shobu), pouvoir agir par réflexe est une capacité qui semblerait indispensable pour espérer survivre. 
 
        En Jō, on peut percevoir tout l’intérêt d’une part de pratiquer des entraînements intenses et répétés afin de commencer par incruster des réponses techniques précises dans le cerveau et d’autre part d’expérimenter par la suite des actions réflexes et se familiariser ainsi avec cet état d’esprit très particulier, cette capacité puissante de Mushin.
En résumé lapidaire concernant les deux rôles de Shidachi et de Uchidachi dans Shintō Musō Ryū Jō
 
        . Shidachi apprend à survivre avec son
 
        . Uchidachi apprend à investir dans la perte, et symboliquement à mourir. 
 
        En se focalisant sur le rôle d’Uchidachi, celui-ci facilite et guide l’apprentissage de Shidachi pour survivre avec son Jō, et en retour, il apprend à investir dans la perte et symboliquement à accepter la mort.
 
 
« La technique nourrit l’esprit et le cœur » – Gi Yō Shin. Au fil des entraînements, des transformations intérieures silencieuses s’opèrent de façon progressive chez le pratiquant de Jō. Par l’état d’esprit particulier qu’il requiert, chacun des deux rôles complémentaires de Shidachi et de Uchidachi, valorisé dans Shintō Musō Ryū Jō, amène au pratiquant ses propres évolutions et mutations personnelles.
Tsuba de l'époque Muromachi - " Le grand "Souffleur" à l'oeuvre !"
1 Uchidachi, thème du Stage de Shintō Musō Ryū  et Kenjutsu à Lyon en avril 2025
2 Uchidachi et le bâton à plumes... ou une histoire de Kanji qui va loin !
de Marie Ponsot
En langue française, " l'attaquant c'est l'attaquant " !
En chinois / japonais, les Kanji racontent parfois des histoires surprenantes...
Prenons l'exemple de Uchidachi, "l'attaquant" en 3 parties qui ont chacune un sens quand elles sont isolées et en changent lorsqu'elles s'associent.
Uchi frapper
Da grand
Chi le sabre
Celui qui attaque amplement, généreusement avec un sabre.

Maintenant, observons Uchi, l'attaquant... Il est composé de la main et ... d'une autre partie. Cela peut être un comptoir d'objets fins et longs (solution raisonnable) mais le dictionnaire en ligne "Jisho" propose aussi "le bâton à plumes" ?
La main armée d'un bâton à plumes...

Trop étrange pour qu'on n'y jette pas un oeil curieux.
Ce bâton à plumes existe vraiment. Il provient des branches d'un arbuste, le Matatabi, qui pousse en Chine et au Japon. Il a la particularité d'attirer irrésistiblement les chats, provoquant un effet euphorisant bon pour leur santé, leur sens du jeu et favorable au développement de leur esprit chasseur. 

Après un stage où le rôle du Souffleur chez Uchidachi a été largement développé... celui qui induit, suscite, inspire la suite du Kata, souffle sur les braises... espérons que le sabre de chaque Uchidachi ait puisé les ressources du bâton à plumes pour susciter chez Shidachi les mêmes réactions que chez nos amis félins !
3 SASAYAKU et le mystère de la troisième oreille.
de Jean-Claude Hamel
Les Kanji de la calligraphie SASAYAKU (souffler, chuchoter, susurrer) montrent
une bouche qui fait face à trois oreilles
– deux oreilles en position inférieure et
une troisième en position supérieure
– une écriture figurative qui fait songer aux hiéroglyphes égyptiens !

SASAYAKU - souffler, chuchoter, susurrer
Calligraphie originale en style Gyōsho de Pascal Krieger Sensei

Ici commence le plaisir de l’interprétation et la construction d’une histoire à raconter… 
Deux personnes communiquent.
Un dialogue est figuré, l’une parle (la bouche) et l’autre écoute (les oreilles). 
L’homme biologique n’a que deux oreilles. Un auditeur (jeune !) possède la capacité d’entendre avec ses deux oreilles voire même avec une seule oreille, lorsqu’un locuteur parle d’une voix posée et d’intensité normale. 
Si par contre la voix est ténue, chuchotée, il lui faudra certainement « tendre l’oreille » ou « écouter des deux oreilles », avec une attention soutenue. Un message susurré, nécessite d’éveiller, de concentrer ses capacités physiologiques et de les adapter au type de message… 
Mais alors quid de cette oreille supplémentaire, cette troisième oreille ? 
La communication entre deux personnes ne se réduit pas à la compréhension d’un message exprimé – auditif et/ou visuel – elle recouvre également une perception intuitive du partenaire et de l’environnement, permettant un décodage et une interprétation de divers signes qui ne sont pas perceptibles par nos seuls organes sensoriels. 
Cette troisième oreille est en fait symbolique. 
Elle figure un niveau supérieur de communication, d’échange. Ici la communication relève d’une sensibilité globale, intuitive, détachée de l’organe sensoriel. 
Cette troisième oreille symboliserait ainsi une forme d’écoute intuitive, sans intention, en concordance et en clin d’œil avec Kanken, la vision intuitive (troisième œil). 
« Il faut savoir entendre ce qui n’est pas dit, et discerner ce qui n’est pas montré ».
Proverbe chinois – histoire des Han.